Plus de cinq mois après sa naissance officielle, le groupement d’intérêt public (GIP) issu de la fusion entre les éditeurs Mipih et SIB devient Numih France, un nom choisi pour incarner une nouvelle identité et porter un ambitieux projet stratégique, a dévoilé la structure mardi en ouverture du salon Santexpo, qui se tient à Paris jusqu’à jeudi (cf APM WZ4SWB5XX ).

Le projet stratégique, baptisé « Métamorph’OSE », s’articule autour de trois priorités: « l’excellence des services numériques publics, l’efficience des systèmes d’information et la souveraineté numérique ».

Le GIP ambitionne de refondre les standards d’un numérique public plus responsable. Il s’appuie sur un « ADN public » affirmé et une gouvernance portée par des établissements de santé, des institutions publiques et des collectivités territoriales.

« Notre objectif est de garantir un haut niveau d’expérience pour nos 1.400 collaborateurs et nos 1.000 adhérents, tout en inscrivant notre action dans une vision à long terme », a souligné auprès d’APMnews Mostafa Lassik, directeur général de Numih France.

Le plan stratégique prévoit un investissement cumulé d’un milliard d’euros d’ici 2030, soit 200 millions d’euros par an. Ces ressources permettront une refonte de l’offre logicielle, avec une conception de solutions numériques « nouvelle génération » pour les établissements de santé.

L’investissement massif permettra aussi l’intégration de l’intelligence artificielle (IA); le développement d’une offre complète de « santé numérique »; de nouveaux services de conseil et de formation, via l’accompagnement des acteurs publics dans leurs démarches de transformation; le renforcement de l’hébergement souverain, notamment via la certification SecNumCloud et le développement d’un nouvel axe autour de la protection et valorisation des données, avec l’exploitation des datacenters nationaux pour garantir la maîtrise des données publiques.

Concernant la sécurité des données, Numih France vise la qualification SecNumCloud début 2026. Déjà certifié hébergeur de données de santé (HDS) avec trois data centers, le groupement est en train de valider le premier jalon SecNumCloud après une évaluation de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (Anssi) en février. L’objectif est d’être conforme aux 742 points de contrôle requis début 2026. La société Niji l’accompagne dans ce processus, et le LNE a été désigné comme auditeur.

Dans ce contexte, deux nouveaux data centers situés à Cayenne sont en construction pour assurer l’hébergement des données du groupement de coopération sanitaire (GCS) Guyasis, actuellement stockées à Toulouse. Ces centres, implantés à proximité géographique pour garantir la redondance et la rapidité de réplication, seront déployés en juin, en partenariat avec l’université et le CH de Cayenne. Un nouveau projet d’imagerie médicale sera également hébergé dans ces infrastructures.

L’IA comme accélérateur

Via le programme Numih IA Inside, le GIP veut accélérer la transformation numérique des établissements de santé. Ce programme repose sur trois axes: l’intégration directe de l’IA dans les solutions internes, la poursuite du développement de son store de partenaires de confiance, et le développement de partenariats technologiques dans le cadre de projets de R&D.

« L’objectif est d’intégrer l’IA dans tous nos processus internes pour booster notre performance et l’expérience collaborateur », a précisé Mostafa Lassik.

Quatre premières solutions IA Inside seront disponibles cette année:

• SAUsmart*, déployée depuis 2024 au CH de Maubeuge, utilise l’IA générative pour prédire les entrées aux urgences et les hospitalisations. Un module supplémentaire en mai 2025 permettra d’anticiper les besoins en lits dès l’arrivée du patient.
• DispensIAtion*, testée depuis 2024 à Douarnenez et début 2025 à Laval, aide les pharmaciens hospitaliers à prévenir les risques iatrogéniques grâce à un moteur de règles et une architecture 100% FHIR.
• Cockpit*, en développement avec les CH d’Avignon et Vannes, est une application mobile de pilotage stratégique basée sur l’IA. Son déploiement est prévu au dernier trimestre 2025.
• GenRH*, solution RH en cours de codéveloppement avec l’Institut d’Intelligence Artificielle en Santé et plusieurs partenaires publics et privés, sera expérimentée à l’automne 2025 au CHU de Reims. Elle vise à automatiser certaines tâches administratives des ressources humaines.

Le second axe, le store de partenaires de confiance, regroupe 12 solutions labellisées issues d’acteurs privés, évaluées selon une charte éthique. Ces solutions garantissent l’interopérabilité avec les outils de Numih France et couvrent plusieurs domaines: gestion administrative du patient (Follow me), gestion médicale (Posos, prevIA médical, Rofim, Zenidoc, Dans ma blouse), PMSI (Ospi, Sancare), gestion RH (Hopia, Optacare) et parcours patient en ligne (Keldoc, Yooli).

Le troisième axe concerne la participation à des programmes de recherche, notamment à travers des appels à projets et des tiers-lieux d’expérimentation.

Numih France est également impliqué dans deux tiers-lieux d’expérimentation. Le premier, Greco Exper, a été lancé lundi à Amiens en partenariat avec le CHU d’Amiens, l’université de Picardie Jules-Verne, la SATT Nord et Innov’a. Il est consacré à l’expérimentation de technologies en médecine interventionnelle. Le second, Jinnov, porté par le CHU de Rennes, est issu d’un appel à projets France 2030. Numih France y participe avec l’outil « mon GPS numérique », destiné à améliorer la prise en compte des besoins en psychiatrie et le respect des droits des patients.

Évolution des offres historiques

Numih France accélère également l’évolution de ses offres historiques. Le progiciel dh*, destiné à remplacer progressivement les outils existants de gestion administrative patient, RH, économique et financière, a été testé dans trois établissements pilotes (centre hospitalier intercommunal de Castres-Mazamet, le centre hospitalier intercommunal des vallées de l’Ariège, l’Ehpad de Villers-Cotterêts). Son efficacité a été validée par les utilisateurs. Le CHU de Reims et les Hôpitaux Nord-Ouest (Rhône) rejoignent le programme en tant qu’établissements précurseurs. Les premières mises en production sont calées en juin, avec une généralisation progressive à partir de 2026.

Le dossier patient informatisé (DPI) Sillage* évolue également avec l’ajout progressif de fonctionnalités d’IA, destinées à faciliter les tâches des soignants et à optimiser l’utilisation des ressources. Le programme « Ancrage » accompagnera cette évolution rapide en mettant à disposition de nouvelles fonctionnalités dans des délais réduits. En parallèle, digihosp patient*, le portail en ligne pour patients, sera déployé dans plus de 50 établissements d’ici fin 2025. Actuellement, 33 établissements, dont 16 GHT et 5 CHU (Montpellier, Caen, Amiens, Rennes, Reims), sont engagés dans cette démarche. Vingt établissements supplémentaires sont attendus en 2025.

Dans le domaine des communications numériques, Numih France a développé medimail instantanée*, une messagerie instantanée sécurisée de santé destinée aux professionnels. Après une phase de test régionale menée début 2025 avec l’ARS et le groupement régional d’appui au développement de l’e-santé (Grades) Occitanie, cette messagerie est désormais disponible sur l’ensemble du territoire national.

Cap sur l’international

Dans le cadre de sa stratégie d’expansion internationale, Numih France a annoncé le lancement de projets pilotes sur le continent africain, en collaboration avec des institutions locales.

Au Maroc, en partenariat avec la Fondation Mohammed VI des sciences et de la santé, le GIP participera à la modernisation du système hospitalier. Le projet débutera par l’hôpital universitaire de Rabat, avec une extension prévue à d’autres établissements universitaires du pays (Casablanca, Tanger, Oujda, Fès, Dakhla…).

« C’est un projet dont je suis très fier. Nous ouvrirons en septembre une agence Numih France à Rabat, avec un objectif de recrutement de 100 ingénieurs locaux. Ce projet s’inscrit dans une logique d’échange équilibré entre les expertises françaises et marocaines », a salué Mostafa Lassik auprès d’APMnews.

Un autre projet concerne l’informatisation des structures de santé de Djibouti.

wz/rm/APMnews